Vincent Lecomte Photographie
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Syrie : le désastre et les larmes



Depuis bientôt 10 ans, suite au soulèvement d'une partie de la population contre l'élite dirigeante, une guerre civile destructrice ravage la Syrie. Fuyant les combats et les exactions, près de 5 millions de syriens ont pris la route de l'exil, notamment au Liban. Les enfants, premières victimes de ce conflit, sont condamnés à un déracinement profond et durable, survivant avec leurs familles dans des camps de fortune sans accès régulier aux soins et à l'éducation, voire sans aucune forme d'aide humanitaire stable structurée. Ces enfants, dont les visages portent la marque de leur histoire mouvementée, constituent la "génération perdue" de l'histoire syrienne. Muni de mon appareil et de mon carnet, je me suis rendu à la frontière syrienne et au Liban et j'ai recueilli les récits de vie de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants avides de témoigner de leur sort. Regard...
Note : 
cette série constitue une regard personnel et non un photoreportage au sens strict du terme. Ma série réalisée en territoire syrien proprement dit est publiée ailleurs .


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L’histoire de cette réfugiée syrienne est celle de tout un peuple. Djamila est originaire de Deraa, au sud de la Syrie. C’est dans cette ville que tout a commencé : en mars 2011, le peuple syrien y organisa les premières manifestations dénonçant l’oppression du régime de Bachar el-Assad. Fuyant les bombes et les combats, Djamila s’est réfugiée au Liban avec sa famille, où elle survit dans une cabane de tôle ondulée posée sur le toit d’un bâtiment abandonné, à moins d’un kilomètre de la frontière syrienne, sans aucune assistance humanitaire. Lorsque que j’ai pris cette photographie, après une longue discussion autour d'un thé avec sa famille, elle était en train d’invoquer le ciel, invectivant son Dieu, répétant : « pourquoi nous as-tu il abandonné ? » (les propos de cette réfugiée ont été traduits par un membre de sa famille, anglophone)

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A Beyrouth, capitale du Liban, les réfugiés syriens sont omniprésents. Oubliés du monde (dont l'attention se porte essentiellement sur les migrants qui tentent d'atteindre l'Europe ), ils survivent dans la rue, dormant parfois à même le sol, condamnés à la mendicité. Ils comptent parmi les plus pauvres des réfugiés syriens : ce sont ceux qui n'ont pas pu se payer un "passeur". Cet adolescent et sa mère sont originaires d’Alep, une ville martyre aujourd’hui presque entièrement détruite par les bombardements du régime syrien et de ses alliés, notamment l’aviation russe. Un matin de février 2013, raconte-t-il, un baril d’explosifs est tombé sur son immeuble. Le garçon est resté enseveli sous les décombres pendant plusieurs heures, avant d’être miraculeusement extrait des ruines et pris en charge dans un hôpital de fortune. Amputé de la jambe, c’est sur une jambe qu’il a réussi à traverser la Syrie pour s’exiler au Liban, aux côtés de plusieurs milliers de compatriotes syriens. Depuis, il tente d'y survivre en mendiant dans le centre-ville de la capitale.

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Aujourd’hui au Liban, les mendiants remplacent les touristes dans les beaux quartiers. Le pays, au bord de l’implosion sociale, est confronté à un afflux de migrants d'une ampleur inédite. Dès le début du conflit, en 2011, plusieurs milliers de femmes et d’enfants ont investi les trottoirs des quartiers commerçants de la capitale libanaise, en l’attente d’une aide humanitaire qui tarde toujours à venir. Cette femme a fui la ville d’Homs, où elle a perdu une partie de sa famille dans un bombardement contre les quartiers qualifiés de « rebelles ». Elle survit depuis plusieurs années en mendiant dans les rues de Beyrouth, en plein cœur du quartier touristique.


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Cette petite fille de dix ans porte le prénom de Kaouthar (littéralement : ‘abondance’, du nom d'un fleuve du Paradis). Je l’ai rencontrée à quelques kilomètres de la frontière syrienne, à l'extrême nord-est du Liban, près de Qaa, dans la vallée de la Bekaa, une vallée aujourd'hui difficile d'accès en raison des tensions régionales et des incursions des groupes djihadistes. Elle survit depuis plusieurs années avec sa famille dans un camp de fortune au milieu du désert, sans assistance humanitaire. Elle est originaire de Hama, l'une des principales villes martyres de Syrie. Ne bénéficiant d'aucun programme éducatif, elle ne sait ni lire, ni écrire. Avec ses yeux noirs et son regard songeur, cette fillette pourrait être le symbole de cette « génération perdue », ces millions d’enfants syriens illettrés qui, ayant grandi au cours d’un conflit qui s’éternise, n’ont reçu nulle autre éducation que celle des bombes et de l’exode. 

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Le regard des enfants syriens, c'est le regard de ceux qui ont grandi en exil, c’est le regard de ces enfants qui n’ont pas eu d’enfance. J’ai rencontré ce garçon, prénommé Rami, dans la région montagneuse de l’Akkar, au nord du Liban. Il est originaire d’Idleb, une ville syrienne où de nombreux massacres de civils ont été commis au cours de la guerre civile, condamnant la population à fuir. Après avoir marché pendant plusieurs semaines en parcourant des centaines de kilomètres, ce petit garçon s’est réfugié au Liban où il survit depuis plusieurs années sous une tente avec ce qu’il reste de sa famille. Selon l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, le conflit a fait plus de 300 000 victimes, dont 80 000 civils. Les enfants sont devenus une cible privilégiés des miliciens pro-régime, étant torturés ou exécutés sommairement au même titre que les adultes. L'ONG Handicap International fait également état, en 2016, de l’existence d'environ un million de blessés, une part importante d'entre eux étant due à l'utilisation d'armes à sous-munitions et d'armes explosives prohibées par la communauté internationale. De plus, près de 250 000 enfants vivraient dans des villes assiégées dans des zones devenues de « véritables prisons à ciel ouvert », a dénoncé en mars 2016 l'ONG Save the Children.

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Nizar est un jeune garçon qui a fui sa ville natale, Homs, détruite par l'armée syrienne et l'aviation russe. Les larmes de ce jeune réfugié sont celles de 23 millions de syriens. Ce sont celles d’un peuple asphyxié contraint à l’exode, le plus vaste exode humain enregistré depuis la seconde guerre mondiale selon l’Agence pour les Réfugiés des Nations Unies. Ayant perdu son père, Nizar survit avec sa mère sous une tente de fortune dans la région montagneuse de l’Akkar, dans une zone frontalière avec la Syrie au nord-est du Liban. Depuis plusieurs années, ils attendent de pouvoir rentrer en Syrie, endurant la dureté de l’hiver libanais. Le rêve de ce jeune garçon ? « Retourner à l’école pour devenir médecin et soigner des blessés... »


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Des cabanes bancales recouvertes de bâches, de la boue et des sourires d’enfants : cette une image est devenue banale au Liban, minuscule pays qui accueille plus d’un million et demi de réfugiés syriens – alors que l'Europe n'en n'accueille qu'une poignée en comparaison. Au Liban, les réfugiés sont partout, installant leurs campements de fortune dans toutes les provinces du pays. Les pieds dans la boue, ces deux enfants syriens posent devant leurs tentes de réfugiés dans la plaine de la Bekaa, à l'est du Liban. Depuis plusieurs années, ils survivent dans un campement précaire implanté sur un terrain vague dans la banlieue industrielle de la ville de Zahle. Ils ont fui Deir ez-Zor, une ville syrienne passée sous contrôle de l'Etat Islamique il y a quelques années. « Il y avait des décapitations, des têtes exposées dans les parcs, on ne voulait plus voir ça, alors on est parti », explique leur mère. Comme plusieurs centaines de milliers d'enfants syriens réfugiés au Liban, Yassin et sa petite sœur Doha ne bénéficient d'aucun accès à l'éducation et passent leurs journées à attendre, à jouer dans la boue, à sourire et à pleurer.


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J'ai rencontré ces deux fillettes dans des camps de réfugiés près de Zahle, dans la vallée de la Bekaa, au Liban. La première vient de Raqqa, ville syrienne passée sous contrôle de l'Etat Islamique. La deuxième est originaire d'Alep, ville martyre dont les habitants sont régulièrement pris pour cibles depuis 2012 par le régime syrien, ses alliés et divers groupes terroristes. Mutique et mélancolique, elle ne s’exprime pratiquement plus. Ces enfants ne bénéficient que d'un accès très limité à l’aide humanitaire dans un pays où les réfugiés sont considérés comme de simples  « personnes déplacées ». Selon l'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme, une proportion significative des enfants syriens souffrent de syndromes post-traumatiques aggravés, en particulier ceux qui ont perdu un ou deux parents au cours des bombardements.

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Sur les hauteurs de Tripoli, au Liban, des centaines de femmes et d’enfants s’entassent dans la pénombre dans un entrepôt industriel abandonné. A l’intérieur, sur le sol, gisent des jouets que des enfants aux yeux hagards ont mis en pièces. Cette image d'une poupée démantibulée par un enfant syrien symbolise peut-être l’effroyable bilan d’une guerre sans issue, celui d’un pays en pièces détachées, vaste puzzle géopolitique où s’affrontent de multiples parties : un régime exsangue, des groupes rebelles mal coordonnés, des milices iraniennes et irakiennes, le Hezbollah, des troupes russes et des groupes terroristes de différentes mouvances, dans des combats urbains à l’issue incertaine, malgré huit ans de guerre.


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Lentement, dans les rues de Beyrouth, à même le trottoir, meurent des enfants syriens. Abandonnés à leur sort, ces orphelins syriens qui ont fui leur pays en guerre sont actuellement livrés à eux-même, faute d’aide humanitaire régulière et structurée. Le Haut Commissariat aux Réfugiés de l'ONU estime qu'il y a entre 1000 et 2500 orphelins non accompagnés qui survivent sans protection dans la capitale libanaise. Ils dorment sur les trottoirs des beaux quartiers, sous les ponts, ou dans les bâtiments désaffectés de Beyrouth. Ce sont les catégories de réfugiés syriens les plus vulnérables, les plus pauvres et les plus sensibles aux trafics d’enfants dénoncés par les Nations Unies. Pour ces orphelins syriens, l’univers est une rue, et la vie est vouée à la mendicité et à l’expérience de la faim.

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Dans toutes les grandes villes du Liban, de Beyrouth à Batroun en passant par Zahle et Joub-Jannine, sans oublier Habla, Al Arida et Baalbek, la même scène se répète : aux carrefours, dans les centres-villes, des enfants syriens mendient pour subvenir à leurs besoins. En guenilles, la peau crasseuse et les yeux vagues, pieds nus sur le bitume, les enfants syriens tendent la main dans le vide, abandonnés à leur sort. Ils vont de voiture en voiture, proposent à la vente des paquets de chewing-gums ou des boîtes de mouchoirs contre quelques roubles libanaises. Ou bien ils sont enrôlés au sein de bandes et de réseaux. Une situation favorisée par l’absence de statut officiel de protection des réfugiés de guerre au Liban, et la fermeture des frontières européennes.

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Cet homme, Zakaria, est le "shawish" d'un camp de réfugiés syriens au Liban, c’est-à-dire le chef traditionnel désigné par le groupe. Il est à la fois gestionnaire et patriarche. C’est lui qui gère les relations avec les autorités libanaises et les organisations humanitaires. Lors de son interview, il mentionne les difficultés auxquelles il doit faire face : la diminution drastique de l’aide alimentaire, le manque de soutien médical, le prix élevé du lait en poudre pour nourrir les bébés, le dysfonctionnement des poêles à fioul, le racket des policiers, les injures et les attaques racistes, l’âpreté du climat hivernal, l'absence de concertation entre les ONG... Cet homme au regard dur et inquiet tente de maintenir la paix dans le camp de réfugiés qu’il doit administrer malgré les pénuries chroniques et le désespoir de toute une population quasiment livrée à elle-même.


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Dans un autre camp, toujours dans l’Est du Liban,  je suis accueilli par une famille en exil depuis 3 ans. La grand mère, qui fume cigarette sur cigarette silencieusement, s'appelle Rabia, ce qui signifie « Printemps ». Un mot dont la résonance est bien triste quand on songe au ‘Printemps de Damas’, cette révolte pacifique ayant éclaté en 2001, à la suite des "Printemps Arabres", prémisse de la guerre civile syrienne. Faradji, le fils aîné de cette famille originaire d'Alep, me montre ici, sur son téléphone portable, les photographies et vidéos des bombardements observés depuis son balcon, en 2015, quelques jours avant de prendre la décision de fuir au Liban. Il est instituteur et parle anglais. Les syriens sont extraordinairement cultivés et généreux. Dans tous les camps que j’ai visités, j’ai été accueilli à bras ouverts par des syriens avides de livrer le récit de leur vie et d'offrir à l'étranger de passage un thé ou un café sous leurs tentes habilement décorées avec les moyens du bord.

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Tout au nord de la Syrie, vers la localité d'Al Arida, tristement célèbre pour des épisodes désastreux au cours desquels des réfugiés furent bloqués à la frontière par les autorités libanaises pendant des jours sans eau ni nourriture, de nombreux camps de fortune sont disséminés dans les champs. Le chef de l'un de ces camps, prénommé Halaf, me montre ce qu'il a de plus précieux : un collier aux couleurs du drapeau de son pays. Mais quel drapeau ? Le drapeau syrien, dont ce collier porte les quatre couleurs caractéristiques, a changé huit fois au cours du siècle dernier, signe de l'histoire tourmentée du pays. Le drapeau actuel, étendard officiel du régime, est hérité du drapeau adopté par la dictature militaire qui prit le pouvoir en 1963. Mais depuis 2011, les contestataires pro-démocratiques ( ceux que l’on appelle les « rebelles » ) brandissent un drapeau différent en signe d'opposition au pouvoir en place : c'est le drapeau vert-blanc-noir de l'ancienne république syrienne (1932-1958) remis au goût du jour. L'association des couleurs verte, rouge et noire est marque l'appartenance à la communauté des pays arabes. Les trois étoiles représentant les districts d'Alep, Damas et Deir ez-Zor, trois villes parmi les plus affectées par la guerre.


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Au Liban, le logo du Haut-Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés ( UNHCR ) est partout, avec ses lauriers et ses mains protégeant une silhouette humaine. Cette organisation joue un rôle majeur dans la crise des réfugiés, distribuant notamment des milliers de bâches en plastique, et des délivrant des « certificats de réfugiés » aux nouveaux arrivants ( du moins lors que le Liban ne ferme pas ses frontières ). Mais avec les années et l’enlisement du conflit, les donateurs internationaux se font de moins en moins généreux, tandis que les besoins augmentent. Au cours de mon séjour d’une dizaine de jours, j’ai été surpris de ne croiser aucun humanitaire en action dans la trentaine de camps que j’ai visités. Dans certains d’entre eux, les syriens m’ont assuré qu’ils n’avaient reçu aucune forme d’aide internationale depuis plusieurs années : les ONG sont débordées par l’afflux massif de réfugiés aux frontières. La guerre a déjà poussé plus de 4,7 millions de syriens à fuir leur pays, soit « la plus grande population de réfugiés pour un seul conflit en une génération », signalait l’UNHCR au début de l’été dernier. Dans cette diaspora sans précédent, les réfugiés se dispersent absolument partout, dans les usines abandonnées, sous les ponts, sur les toits des HLM, dans les souterrains, dans les camps de réfugiés palestiniens, sur les plages, dans les décharges, et il est matériellement impossible de venir en aide à chacun d’entre eux. La seule solution durable est la fin du conflit et le retour au pays, un retour tant attendu par une population exsangue et souvent affamée.

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Dans tous les camps de réfugiés syriens, la vie continue, avec ses mariages et ses naissances. Ce bébé de trois semaines est né au Liban, en plein hiver, dans un camp de réfugiés près du bourg de Joub Jannine, dans la vallée de Bekaa. Ses parents, un jeune couple de syriens originaires de Raga, une petite ville syrienne, ont baptisé leur petite fille Meriam, l'équivalent de Marie en langue arabe. Soucieux d'accueillir leur bébé dans de bonnes conditions, ils ont patiemment paré leur refuge de tentures colorées et de tapis traditionnels.  Cette petite famille ne rêve que d'une chose : retourner chez eux, à Raga. Mais la ville est actuellement occupée par l'Etat Islamique qui y possède des centres de formation pour djihadistes.


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La journée vient de commencer dans le quartier d'affaires de Beyrouth. On se rend au travail en enjambant ceux qu'on ne voit plus. Le pas pressé, les libanais se rendent sur leurs lieux de travail, les commerces, les banques et les ministères. Sur leur chemin, entre les boutiques de luxe et les distributeurs de billets, ils côtoient la misère syrienne à laquelle ils sont, hélas, habitués. Cette mère et ses deux enfants sont originaires de la ville de Homs. Le fils aîné, très malade, s'est allongé sur le trottoir. Les passants ont-ils un autre choix que de l'enjamber ? Quels souvenirs les enfants affamés des rues de Beyrouth, s'ils survivent, garderont-ils de leurs jeunes années ?

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Au Liban, pour accueillir les réfugiés, il n'y a pas de camp officiel à proprement parler. Contrairement à ce qui se passe en Turquie ou en Jordanie, le gouvernement libanais refuse de considérer les syriens comme des réfugiés de guerre (ce qu’ils sont pourtant au regard du droit international), et parle simplement de « populations déplacées ». Ainsi, les réfugiés syriens au Liban sont condamnés à s’installer au hasard des terrains vagues ou des décharges, sans aucune aide logistique ni concertation locale. C’est ainsi qu’à Anjar, près de la frontière syrienne, des migrants se sont installés dans un dépotoir (ci-dessus), où ils survivent dans la boue depuis bientôt quatre ans, dans des conditions d’hygiène et de dignité proches de celles que l’on retrouvais malheureusement à Calais jusqu'au démantèlement du camp.

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Près de Baalbek, au cœur de la vallée de Bekaa dans l’Est du Liban, de nouveaux « camps » se construisent chaque jour. Au beau milieu d’une steppe aride et peu fertile, des cabanes surgissent comme des champignons. Chaque cabane, d’environ 4 mètres sur 6, peut héberger jusqu’à 15 personnes. Sur cette image, une fillette et sa mère transportent des planches fournies par des ONG, planches qui serviront à construire l’armature de la tente où ils comptent s'installer et tenter de survivre jusqu'à nouvel ordre. Sur ces poutres, les syriens placeront des lambeaux de plastiques trouvés ici ou là, des bâches publicitaires arrachées aux murs, des sacs de ciment vides, des étoffes et de vieux tapis sensés imperméabiliser la structure. Mais ces cabanes rudimentaires laissent entrer le froid et l’humidité à longueur d’année, provoquant des problèmes de santé importants chez les enfants et les nourrissons. Parmi d'autres organisations, l’UNICEF et le Croissant Rouge Arabe et Syrien interviennent sur le plan médical, mais les humanitaires manquent cruellement de financements et de donateurs réguliers. De plus, avec l'instabilité militaire qui règne dans la vallée de la Bekaa, certaines organisations préfèrent se tenir en retrait pour des raisons de sécurité.

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Cet orphelin est arrivé au nord du Liban tout récemment. Il s'est griffé au visage en franchissant des barbelés. Prostré et silencieux, nul ne connaîtra jamais précisément l'histoire déjà trop longue et chaotique qui est la sienne. On sait juste qu'il est originaire d'Hama, une ville régulièrement bombardée par l'aviation de Bachar el-Assad. Je l’ai rencontré dans une tente de la vallée de Bekaa, où une famille de réfugiés l’a pris sous son aile.

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Tout le monde l'a oublié mais, pendant un quart de siècle, la Syrie a été occupée et administrée par la France. Les troupes françaises sont entrées à Damas en juillet 1920, pour n'en repartir qu'en 1946. Durant cette période, les syriens ont beaucoup donné aux français : ils ont fourni leurs terres et leurs maisons, leurs ressources et leur main d'œuvre, leurs femmes et leurs hommes. Certains ont même donné leur vie, au côté des soldats de l'armée française. Mais aujourd'hui, maintenant que les syriens ont besoin de nous, que leur apportons nous ? N'aurons nous pas honte, un jour, en regardant ces images d'enfants en détresse, du sort que nous avons réservé à un peuple opprimé qui appelait simplement à l'aide ?


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Pendant combien d'années encore les réfugiés devront-ils s'entasser dans le chaos des villes turques, jordaniennes et libanaises (comme ici à Zahle) en attendant des jours meilleurs ? Dans un camp de fortune situé à la frontière syrienne, hors de tout axe, en rase campagne, des hordes d'enfants se sont jetés sur moi au moment où je m'approchais d'eux. Ils ont commencé à fouiller mes poches et à ouvrir mon sac et j'ai du me tenir en retrait. Je pensais que j'étais en train de me faire dépouiller, mais cela n'avait rien à voir : simplement, ils cherchaient quelque chose à manger.

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Malgré la guerre et l’exode, la joie et l’innocence semblent parfois percer dans les yeux des enfants syriens. Voici le portrait d’un jeune berger syrien que j’ai rencontré dans les hauts-plateaux de la vallée de  Bekaa, au Liban, où il gardait son troupeau de chèvres. Avec sa famille, il a fui la Syrie en lambeaux pour planter sa tente sur un terrain vague en attendant des jours meilleurs. Cela fait quatre ans qu’il endure les hivers rigoureux et les étés caniculaires des montagnes libanaises. Sa vie quotidienne consiste à garder quelques chèvres, à mendier, à attendre... Mais aussi à subir le racket des policiers et à essuyer les insultes des habitants de la région dont certains voient d’un mauvais œil l’arrivée de ces "migrants" jugés illégitimes, en dépit de la convention de Genève.

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Au dernier jour de mon passage au Liban et en Syrie, je suis tombé sur cette fresque anonyme dans une ruelle de Beyrouth... Ne résume-t-elle pas mieux la situation mondiale en ce début de vingt-et-unième siècle qu'un long discours géopolitique ?



© 2016 Vincent Lecomte  / Studio HANS LUCAS / Agence Gamma


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