Dix conseils pour faire de la photographie en Iran
1. Appareil réflex volumineux ou petit appareil discret ?
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, je n'ai rencontré aucune difficulté particulière à sortir dans la rue avec un appareil réflex et de volumineux objectifs dans les villes et les villages. Je vous suggère cependant de "tester" chaque situation avec un petit appareil dans un premier temps, et d'évaluer la réaction des gens, souvent positive. Faire des photographies est toujours un moyen d'engager une conversation, rappelez-vous de ce principe.
Il est conseillé de cacher votre appareil dans les transports, les stations de bus, et près des lieux officiels pour éviter tout contrôle ou tout interrogatoire (en pratique, la probabilité que cela arrive est tout de même faible). Naturellement, il faut manier son matériel avec tact et éviter de mitrailler comme un touriste sans engager la conversation dans un premier temps.
2. Photographier des femmes voilées ?
Avec le sourire, demandez toujours la permission avant de photographier des iraniennes. Vous obtiendrez généralement un refus polis en ce qui concerne les femmes voilées, en particulier si elles sont accompagnées d'hommes. Sachez qu'il peut être impoli de s'adresser directement à une femme en présence de son mari. Notez aussi que le simple fait de porter votre appareil au cou peut amener des femmes à s'éloigner de vous ou à faire un détour (voire même à changer de trottoir). Si c'est embarrassant pour elles, rangez votre appareil et profitez du spectacle iranien avec vos yeux. Tact et sensibilité sont les maîtres mots du photographe en Iran. Sachez aussi qu'en Iran, un "oui" ne veut pas forcément dire "oui", à vous d'évaluer la gêne ou l'enthousiasme que vous suscitez. Ne vous comportez pas en Iran comme en Inde.
3. Photographier l'intérieur des mosquées ?
Il est tout à fait possible de pénétrer dans la majorité des mosquées avec votre appareil, y compris à l'heure de la prière (osez !) en respectant quelques règles : enlevez vos chaussures, portez des pantalons (et si possible des chemises à manches longues mais ce n'est pas obligatoire), soyez discrets et poli. Il n'y a pas de contrôle particulier à l'entrée. On ne vous regardera pas de travers. Les iraniens sont fiers de leurs monuments et aiment que les étrangers les visitent et les photographient. Il est possible que l'on vous dise "no photo" (toujours poliment) à l'heure de la prière, mais personnellement je ne me suis jamais fait chasser des mosquées iraniennes (alors que cela m'est arrivé dans d'autres pays, par exemple en Indonésie). On m'a fréquemment demandé quelle était ma religion et je n'ai jamais menti sur mon athéisme. Les iraniens sont beaucoup, beaucoup plus ouverts qu'on peut croire vu de l'extérieur.
Extrait d'une conversation dans la mosquée Kashan (en anglais) où je me suis fait abordé par un fidèle.
- Pourquoi vous photographiez la mosquée ?
- Heu... Parce que c'est beau.
- Vraiment ?
- Oui, c'est très beau, regardez [ je lui montre ma photographie sur mon appareil, une coupole dorée vue de l'intérieur ]
- Je vais vous poser une question piège.
- Allez-y.
- Vous préférez quoi, notre mosquée, ou... un téléphone portable ?
- heu......... Votre mosquée bien sûr !
- Mais vous êtes fou ! Un téléphone portable c'est bien mieux... Regardez ce qu'ont inventé les américains [ il sort de sa poche un téléphone portable dernier cri, à écran tactile ]. Ça c'est magnifique ! Alors que les iraniens... [ il me montre en soupirant les innombrables mosaïques à l'intérieur de la mosquée ]... Des mosaïques ! C'est tout ce qu'ils savent faire !
4. Photographier des installations sensibles ?
Les installations sensibles sont nombreuses en Iran (sites militaires, sites nucléaires, grandes usines...). Ne songez même pas à les regarder avec vos yeux de manière trop insistante. Rangez votre appareil ***au fond*** de votre sac avant même de traverser ces zones. Le petit panneau montrant un appareil photo barré est présent dans ces zones, mais il est souvent abîmé ou effacé. Ne gardez pas votre appareil sur vos genoux, rangez-le. Le problème étant que la photographie est interdite dans de nombreux lieux sans que cela ne soit particulièrement signalé. Si vous voyez des hommes en uniformes, rangez votre matériel avant qu'ils ne vous voient, quelque soit le lieu et votre intention.
5. Et les contrôles par la police ?
Les contrôles sur les routes sont fréquents mais l'on je m'a jamais demandé de montrer mes photos ou mon appareil. On ne m'a jamais posé de question (ni même contrôlé mon passeport !) Par prudence, lors des transits, vous pouvez insérer dans votre appareil une carte mémoire avec des "photos de vacances". Toute photo de bâtiment officiel (mais aussi de rue en travaux, de groupes d'individus) pourrait s'avérer compromettante selon les forums et divers témoignages. Cela n'a pas été mon cas.
6. La belle lumière en Iran ?
Voilà votre principale limitation pour pratique la photographie en Iran. La belle lumière est furtive : en avril, la belle pâleur orangée matinale est présente de 6h à 7h du matin mais, hélas, à ces heures, l'activité est très faible dans les rues des villes, voire nulle dans les villages... La belle lumière revient le soir, de 18h30 à 19h30 environ. Entre ces plages horaires, le soleil est implacable et le ciel très poussiéreux. Photographiez dans les bazars (couverts donc ombragés) ou les mosquées. Il y a aussi de nombreux jardins arborés où des portraits sont possibles. Notez que la plupart des bazars sont très peu actifs avant 11h le matin et fermés de 13h à 17h (heures chaudes). Une exception : les bazars à proximité immédiate du Naqsh-e Jahan Square à Ispahan, qui restent ouverts toute la journée. Si vous tenez à faire de la photo en journée, se rabattre sur le noir et blanc peut être une excellente option (lumières très dures, contrastes importants).
7. Le meilleur moment pour la photographie en Iran ?
L'Iran est un terrain de jeu idéal pour la photo DE NUIT. Les mosquées illuminées sont sublimes, et restent ouvertes tard dans la nuit. Dans les bazars et les rues, l'activité est maximale à la tombée du jour et au début de la nuit. Les clairs-obscurs sont nombreux et spectaculaires. Prévoyez des pellicules à haute sensibilité si vous êtes équipés d'un argentique. Et des filtres ! Reposez-vous l'après midi en préparation de ces sorties nocturnes intenses. Astuce : regarder le calendrier lunaire avant son départ et prévoir de visiter certaines mosquées de nuit lors de la pleine lune. Ambiances et lumières formidables garanties !
8. Où photographier ?
Ispahan, Yazd, Shiraz, Kashan, Téhéran... Difficile de quitter les grandes villes lors d'un premier voyage en Iran. Ces lieux, parmi les plus visités, sont en effet d'énormes villes anarchiques, bruyantes et bétonnées. Personnellement, pour la photographie, je dirais que les ruelles, mosquées et bazars de Kashan, Yazd et Ispahan sont des excellents points de départ.
Mais songez surtout à partir en vadrouille dans les villages alentours en bus public. Cela n'est pas évident en termes logistiques. Il est possible toutefois de louer un "taxi" (en vérité, un citoyen lambda et sa voiture plus ou moins pourrie) pour la journée. De l'ordre de 30 / 50 euros par jour. Pas besoin de passer par un "tour" ou une agence, arrangez vous directement avec quelqu'un dans la rue. Exemples de villages magnifiques et faciles d'accès : Fahraj et Kharanaq (près de Yazd), Abyaneh (près de Kashan), Mohammedieh (près de Na'in). De toute manière vous chercherez forcément à vous échapper des grandes mégapoles au bout de quelques jours. L'iran est très, très urbanisée, vous voilà prévenus !
Enfin, n'oubliez pas que l'Iran est un grand pays moderne, et que ce n'est pas forcément dans ses bazars et ses monuments que se cachent les plus frappantes beautés. Sur le " pont aux 33 arches ", à Ispahan, ou dans les quartiers populaires de Téhéran, allez à la rencontre de toute une jeunesse vêtue de voiles colorés et armée de smartphone dernier cris. Vous reviendrez de voyage avec une belle série de portraits contemporains telle que celle qui figure dans mon livre sur l'Iran.
9. Laissez-vous photographier !
Comme dans de nombreux pays, les jeunes iraniens (hommes ou femmes) adorent poser avec les étranger pour leur Facebook ou leur famille. Ils sont aussi "avancés" (ou reculés ?) que nous sur ce plan là. Si on vous regarde de manière insistante en souriant et en tournant autour de vous, généralement, ça veut dire : est-ce que je peux poser avec vous ? Prêtez vous au jeu, cela sera l'occasion de leur demander de poser pour vos séries de portraits dans la foulée ! En somme, ces jeux photographiques ressemblent à ceux qui se vivent dans les pays d'Asie.
10. Avant de partir, n'oubliez pas...
- Un objectif grand angle (10-24 mm par exemple) qui vous sera très utile dans les mosquées (perspectives magnifiques mais serrées) et les bazar (très étroits, donc n'offrant que peu de recul).
- Un filtre polarisant très appréciable dans le difficile contexte lumineux de l'Iran
- De quoi protéger et nettoyer votre appareil contre la poussière (vents de sable fréquents, villes très poussiéreuses). Un second boitier est très appréciable pour éviter d'avoir à changer d'objectif dans la poussière (j'ai presque détruit mon capteur en Iran).
- Des cartes de visites (ou des petits papier avec votre mail) pour donner votre contact à ceux que vous photographiez afin qu'ils puissent vous demander les photographies par email. Ces demandes sont très fréquentes, les iraniens veulent vous connaître, vous contacter et récupérer vos photographies pour illustrer leurs pages et leurs réseaux sociaux. Soyez généraux !
- Une sacoche photo pas trop voyante, ou mieux, un sac à dos ordinaire bien aménagé, pour ne pas attirer l'attention (des policiers notamment)
- Un calendrier avec les dates de la pleine lune pour visiter les mosquées la nuit (spectaculaire), si cela est possible.
- Un mini guide de conversation français / perse. Très, très utile pour les multiples rencontres que vous ferrez !
Un trépied ne me semble aucunement indispensable, au contraire, il fera fuir les iraniennes qui vous verrons à grande distance. Il pourra vous apporter des ennuis (vous n'êtes pas journaliste, n'est-ce pas ?)
- Pour les plus craintifs, une attestation d'emploi en France prouvant que vous n'êtes pas journaliste si jamais on venait à vous cuisiner !
- Si vous avez un blog avec des points de vues "gênant" sur l'Iran ou l'Islam, désactivez-le avant de partir. On ne sais jamais.